Je terminai ma journée de travail sans trop d’encombres pour une fois. Je pris rapidement la direction de ma maison, enfilais un survêtement et un pull confortable. Le fait que je ne ressemblais à rien, sur le moment, je n’en avais rien à faire. Je finis par attraper la laisse de Riva pour l’emmener en promenade. Mes pas me dirigèrent dans un parc non loin de chez moi. A vrai dire je laissais Riva décider où elle voulait aller se promener. J’aimais bien faire cela parfois, surtout quand j’avais besoin de prendre l’air. Je finis par m’asseoir un moment dans l’herbe et lancer un bâton à Riva qui était heureuse de courir. Après plusieurs minutes de course intensive, elle s’allongea à mes côtés. C’était le signe pour me faire comprendre qu’elle en avait assez. Je me levais et pris la direction de la maison. J’étais perdue dans mes pensées quand mon regard fut attiré par un homme qui était assis sur un muret, l’air absent. *Pourquoi est-ce que j’ai l’impression de le connaitre ?* Je fronçais les sourcils, en décidant de me rapprocher un petit peu de lui pour confirmer mon intuition. Plus je m’approchais de lui, plus j’avais l’impression de vraiment le connaitre. Tout à coup, c’est comme si j’avais eu un flashback de l’époque où j’étais dans les rangers. Je me souvenais d’une mission qui avait eu lieu quelques mois avant mon accident. Je m’étais liée d’amitié avec un pilote d’hélicoptère. Je cherchais son nom quelques instants quand il m’apparut comme une évidence et sans même m’en rendre compte je le dis à haute voix « Robin » J’étais plus proche que ce que je pensais parce qu’il leva la tête en entendant son prénom…

C’était très étrange de revoir Robin comme cela à Miami, après tant d’années. Il ne savait certainement pas que j’avais eu un grave accident de parachute. Je savais que si le pilote avait été lui, je ne me serai pas retrouvée clouée dans ce fauteuil roulant durant plusieurs années. Il faisait partie des meilleurs et il aurait pu me dire immédiatement que les conditions n’étaient pas optimales pour sauter. Malheureusement, celui qui m’accompagnait ce jour là n’en avait rien faire si je puis dire. La seule chose qu’il voyait, c’était qu’il serait responsable de l’échec de la mission si nous n’avions pas sauté. Je repensais que j’avais quand même été chanceuse, mon co-équipier s’était retrouvé 6 pieds sous terre, mais passons. Je n’en revenais pas que mon prénom lui revint immédiatement. Je fis un léger sourire, me rendant compte que quelque chose n’allait pas chez lui. « Oui, c’est bien ça… » Riva trouva rapidement la main de Robin pour se faire cajoler. « Elle c’est Riva… et elle ne dira jamais non pour qu’on lui gratouille la tête » D’ailleurs elle fit bien comprendre que c’était la seule chose qu’elle désirait, se faire cajoler. Je remarquais que Robin voulait, comment dire, noyer le poisson et faire comme s’il allait bien, mais je voyais dans son regard qu’il avait les yeux humides. Mais je ne voulais pas lui demander de but en blanc ce qui n’allait pas. Après tout, cela faisait bien une quinzaine d’années que je ne l’avais pas vu. « Et bien… je suis devenue cheffe de réception ici à Miami depuis 4 ans maintenant. J’ai eu un grave accident lors d’une mission, mais je suis toujours là. Et toi ? Tu me sembles un peu perdu… Tu es sûr que ca va ? » Mon coté un peu curieuse et surtout soucieuse ne pouvait pas s’empêcher de lui demander ce qui lui arrivait. Je n’aimais pas voir les personnes qui m’entourent mal et clairement, Robin n’allait pas bien du tout. Je finis par m’asseoir à ses côtés. Je ne pouvais pas le laisser seul comme cela, alors que ca se voyait qu’il était au bord du gouffre.

Pour le coup, Robin ne me semblait vraiment pas bien du tout. Je ne savais pas dire si c’était une bonne chose ou non que je me sois retrouvée dans ce parc en même temps que lui. Sous ses airs de grand costaud, je percevais un cœur meurtri. Je ne pouvais pas savoir ce qu’il se passait dans sa tête, mais il n’y avait pas besoin d’être devin pour comprendre qu’il traversait une mauvaise passe. Riva sentait quand quelqu’un n’allait pas bien. Elle était un véritable détecteur pour cela et d’ailleurs, elle ne lachait pas Robin. « Si elle t’ennuie n’hésite pas à me le dire hein, elle peut être un peu pot de colle quand elle est décidée » Parler de mon chien n’était peut-être pas la meilleure des choses à faire. Mais quand on n’a pas vu une personne pendant très longtemps, vous voulez amorcer comment la discussion ? Ouais je sais, on n’est pas obligé de discuter, mais je ne sais pas pourquoi, quelque chose me poussait à le faire. Il me demanda ce que je devenais, donc je ne pouvais pas lui cacher la vérité. D’autant plus quand il voulut savoir quel genre d’accident. « Oh rien de bien important… une mission qui a mal tourné, je me suis retrouvée en chaise roulante durant quelques années, ce qui a mis fin à ma carrière et à mon mariage » Je ne sais pas pourquoi, je reliais toujours les deux. A quelque part, je savais que si je ne m’étais pas retrouvée coincée sur un fauteuil, mon mariage aurait duré encore un peu. Quand Robin me dit qu’il était sensé retourné en mission, je sentais qu’il n’était pas vraiment convaincu… Son regard était vraiment vide quand il dit cela, mais avant que je n’aie le temps de demandé pourquoi est-ce qu’il ne semblait pas convaincu, il me dit que sa femme était décédée la semaine précédente. Je fis des yeux ronds, un peu secouée par la façon dont il le dit. D’ailleurs il dût le remarquer parce qu’il m’expliqua directement que c’était la première fois qu’il le disait à haute voix. Je finis par murmurer «Je suis désolée… Je… tu veux en parler ? » Je préférais lui poser la question plutôt que de le forcer à en parler, si ce n’était pas son choix. Je finis par lever mon regard vers lui, remarquant qu’il faisait son possible pour ne pas éclater en sanglot. Qu’est-ce que je devais faire ? Qu’est-ce qu’on fait dans un cas comme celui-ci ? Je cherchais la meilleure façon d’agir et finalement, je déposais ma main sur son épaule. Je ne pouvais pas faire plus, ni moins. Mon cœur de femme sensible était touché et voulais être présente pour Robin, mais sans savoir quoi faire. « Tu n’as pas à être désolé… Je vois que cela te touche ce qui est normal donc si en parler peut te faire du bien. » Après tout, nous ne nous étions pas vu depuis des années. Peut-être qu’il aimerait mieux en parler avec un ami ou une amie proche. « Je ne suis pas forcément la mieux placée, mais sache que je suis là si tu en as besoin » Est-ce qu’au moins ma présence pourrait le réconforter un minimum ? Je l’espérais quand même. Je ne pouvais vraiment pas faire grand-chose mise à part être une oreille pour lui. « Vous n’étiez que tous les deux ? » Ma question pouvait sembler étrange, mais je ne pus m’empêcher de penser que j’avais Delfina et que sans elle, je ne serai pas devenue celle que j’étais.

Ma chienne pouvait être un peu chiante, mais bon elle avait été dressée pour aider les personnes qui n’allaient pas forcément bien. Du coup, elle restait coller à Robin. Je laissais mes pensées vagabonder et je me souvenais quand nous étions incorporés dans la même équipe. Nous nous entendions bien et jamais il n’aurait pris les mêmes risques que le pilote qui avait causé la fin de ma carrière militaire. Mais en même temps, c’était peut-être un mal pour un bien. Après tout, j’avais Delfina qui était âgée de très peu d’années à ce moment là et du coup, j’avais pu profiter et la voir grandir. Certes je ne m’étais jamais imaginé travailler dans un hôtel, mais cette nouvelle vie me convenait à présent. J’avais appris à positiver depuis mon accident. J’aurai pu y laisser la vie mais je n’y avais laisser que l’usage de mes jambes et encore, avec ma force de caractère et ma détermination, j’étais parvenue à remarcher, choses que peu de personnes me pensaient capable de faire. Entendre Robin me dire que j’étais très courageuse me décrocha un léger sourire. « Avec la force et le courage, tout est surmontable » à ce moment précis, je ne pensais pas à l’importance que mes mots pourraient avoir. Quand il me raconta la mort de sa femme, mon cœur fut touché. Ce devait être très difficile à traverser comme épreuve. La seule chose que je pouvais faire, c’tait être une oreille pour lui, même si j’aurai vraiment voulu pouvoir faire plus. « En tout cas, tu sais que si tu veux parler, je suis là… » J’avais fini par lui demander s’ils avaient eu des enfants et il me parla d’Andrew, qu’il avait reconnu ainsi que de jumelles, nées il y a quelques mois à peine. Mon cœur de maman se serra encore plus. il finit par se lâcher un peu et se confier sur ses peurs. Je l’écoutais attentivement mais je n’avais pas les réponses à toutes les questions qu’il se posait « Robin… c’est normal que tu te poses toutes ces questions. Il existe des aides pour toi et les enfants. Andrew à quel age ? Comment est-ce qu’il réagit ? » après tout, s’il était assez grand, il comprenait mieux la situation que ses petites sœurs et surtout, il pourrait soutenir son père. Je tentais de réfléchir pour l’aider au mieux, mais ce n’était pas une situation facile, je le concevais totalement. Qui disait militaire, disait mission loin de la maison et comme il m’avait laissé entendre, il ne pensait pas repartir tout de suite. Pourtant, je savais que lorsqu’on partait, on touchait plus que de rester en réserve. « Et au centre de formation militaire, il n’y aurait pas la possibilité que tu deviennes instructeurs ou un truc comme ca ? De cette façon, tu resterais ici, mais en gardant un pied dans l’armée également » Je savais à quel point cela lui tenait à cœur. La nuit commençait à tomber doucement. Je finis par lui proposer « Tu veux boire un café ou quelque chose de plus fort ? » Vous allez me dire que ni le café, ni l’alcool n’allait résoudre le problème, mais parfois, cela pouvait simplement faire du bien.

Vivre avec une personne manquante à sa vie ? Je le faisais depuis 9 ans maintenant, quand j’ai divorcé du père de Delfina. Je ne pouvais clairement pas me mettre à la place de Robin, parce qu’il savait pour quelle raison il ne reverrait plus sa femme. Pour ma part, il s’agissait simplement d’un gros lâche qui ne donnait plus signe de vie ni à moi, ni à sa fille. Quant à tout le reste, je n’ose même pas imaginer ce qu’il aurait dû faire. Traverser une épreuve aussi difficile que le décès de l’être aimé, ce devait être vraiment horrible et je ne pouvais pas imaginer sa peine et sa douleur. Je cherchais des mots qui pourraient le réconforter, mais pour le coup, je trouvais mes phrases totalement bidon et insensée. Finalement, la seule chose que j’étais capable de faire, même si cela faisait de nombreuses années que nous ne nous étions pas vus, c’était d’être présente en tant qu’amie. D’ailleurs, il me remercia doucement je lui souriais légèrement. Il commença à me parler de ses enfants. En l’occurrence de son fils qui était plus à même de comprendre et réagir à ce qu’il se passait dans leurs vies. « Si tu penses qu’il parlerait plus à quelqu’un de son âge, je peux lui présenter ma fille Delfina… En tout cas, il faut bien que tu lui dises qu’il n’a pas à se montrer fort, du moins pas devant toi. Je crois que personne ne mérite ça » Les adolescents avaient tendance à vouloir se montrer fort, les garçons encore plus je pense. Je ne pouvais pas lui dire ouvertement que lui aussi avec le droit de faiblir. Être infaillible à chaque minute risquait de le détruire. D’autant plus avec trois enfants à charge, dont des jumelles qui étaient encore en bas âge. Je comprenais qu’il veuille se montrer fort et costaud devant ses enfants alors qu’il aurait peut-être envie de craquer. Je cherchais des solutions de façon très rapide pour son travail. Je concevais qu’il ne voudrait ni ne pourrait repartir en mission, et je savais que c’était le pire pour un militaire qui aime son métier. Il accepta ma proposition pour le café et nous nous installions sur une terrasse non loin de là. Tout en buvant mon café, je finis par demander, presque comme un murmure « Tu me dis si tu ne veux pas en parler hein… mais tu as des amis ou de la famille pour te soutenir dans cette épreuve ? En dehors des enfants je veux dire » L’imaginer être seul avec ses enfants dans ces moments difficiles à traverser me brisa un peu le cœur je dois l’avouer. On dit souvent que c’est dans les pires moments qu’on se rend compte de qui sont réellement ses amis et ceux sur qui nous pouvons compter.

Mon cœur se déchirait de voir Robin dans cet état-là. On voyait sur lui qu’il avait les traits tirés, qu’il semblait déjà épuisé. Pourtant, si j’avais bien compris, cela ne faisait que quelques jours qu’il s’était retrouvé seul. Il devait avoir tellement de chose à gérer, entre les enfants, les funérailles à organiser, ce devait être très difficile. J’avais naturellement proposé à Robin de présenter Delfina à son fils pour qu’ils puissent discuter. Même si ma fille n’avait pas vécu la mort de son père, elle avait du faire son deuil le jour où il n’a plus donné de nouvelles. Je ne pus m’empêcher de sourire quand j’entendis Robin me dire qu’il était bien comme ça, à garder les choses pour lui seul. « Pourquoi est-ce que je le savais avant que tu me le dises ? Tu crois vraiment que c’est une bonne chose de tout garder sans rien dire ? Je sais que pour les enfants tu veux te montrer fort, mais tu as un cœur Robin, et aujourd’hui il est meurtri, ce qui est totalement normal… tu n’es pas un surhomme et a le droit de craquer » J’avais déposé ma main sur la sienne en le regardant droit dans les yeux. Oui il avait le droit de souffrir, mais surtout, il avait le droit de le dire à haute voix et de le vivre pleinement. Certes, pas devant ses enfants, mais il fallait qu’il puisse lâcher tout ce qu’il avait à lâcher. Je lui avais d’ailleurs demandé s’il avait des personnes autour de lui pour le soutenir. En tant qu’ancienne militaire, je comprenais qu’il ait principalement des amis soldats, mais du coup, il était bien seul quand même. Pour sa sœur, je pouvais également comprendre, mais dans des moments comme celui-ci, il fallait justement qu’il s’entour de ses proches et de sa famille. « Elle vit où ? Je ne pense pas que tu aies besoin de lui demander de venir… Si tu lui dis que tu n’es pas au mieux, elle va se proposer d’elle-même tu ne crois pas ? » Demander de l’aide, ce n’était jamais facile à faire. Je ne pus m’empêcher de sourire quand il me demanda de parler un peu de moi. Si cela pouvait lui changer les idées, j’étais prête à me livrer à lui. « Je vais passer un interrogatoire ? Ca fait bien 5 ans que je suis arrivée avec ma fille… Tu sais besoin de changer d’air. Et puis j’ai trouvé un poste comme réceptionniste dans un hôtel, et j’ai gravi les échelons… Aujourd’hui je suis cheffe de cette réception »